Un Article De Metula New Agency qui dit la verité sur l’affaire TFJ
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TFJ : vraie liquidation, fausses accusations d’antisémitisme (info # 011805/5) [analyse]
Par Viviane Miles © Metula News Agency
Ces dernières semaines, la presse (le Nouvel Obs dans sa livraison du 23.04.2005 et Libération du 26.04.2005) a fait mention de la liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Nanterre, de TFJ, la "télévision française juive", pour cessation de paiements. Puis, il y a quelques jours, différents communiqués émanant de la direction de TFJ et de ses supporters ont circulé sur le net, contredisant ces dépêches par l’affirmation, d’une part que les finances de la société sont saines et d’autre part, que la décision du tribunal relève d’un jugement injuste d’inspiration antisémitisme.
Dans cette affaire, il n’y a que deux possibilités : soit ce que dit M. Ghislain Allon, le PDG de FTJ, est vrai, à savoir que la décision de liquidation judiciaire relève du « complot » et que « c’est une affaire antisémite » [1], soit ça ne l’est pas. L’enjeu n’est pas mince : si l’accusation du président de FTJ se confirme, il ne reste plus aux Juifs de France qu’à faire leurs bagages et aller s’installer sous des cieux plus cléments. En effet, si le pouvoir français instrumentalise désormais des procédures de mises en faillite pour boycotter l’expression médiatique de la communauté juive française, c’est que les choses en sont arrivées à un stade où la vie des Israélites dans le pays de Voltaire et de Victor Hugo n’est décidément plus possible.
Beaucoup de sites juifs à la sensibilité déjà exacerbée par des affaires véritables, dans lesquelles l’Etat français a indubitablement porté atteinte à l’image et à la dignité de ses Israélites, ont repris, sans les vérifier, les appels de Ghislain Allon. Mais dans ce cas délicat, il faut surtout ne pas se laisser guider par de fausses impressions. Aussi, avant de boucler ma valise, j’ai voulu m’assurer que M. Allon ne portait pas une accusation terrible - sous couvert d’une argumentation plausible - contre la justice française afin de détourner l’attention de ses vrais problèmes et couvrir des malversations et des dettes dont il serait à l’origine.
Même avec un recul de quelques semaines, M. Allon persiste à affirmer que la liquidation judiciaire s’est faite de manière « injuste, subite et inopinée », sans avertissement préalable. Il dément formellement que la société soit en cessation de paiements, et est scandalisé par ce qu’il nomme une « atteinte à la démocratie et aux médias ». Sous le coup de l’émotion, il avait accusé la justice d’ « assassiner la communauté juive française ». Revenant partiellement sur ses propos virulents, M. Allon maintient tout de même à mon oreille qu’il y a une « dimension antisémite à la mesure précipitée du tribunal » qu’il trouve « bizarre », et qu’il se battra pour retrouver son honneur, en faisant appel au fond.
Qu’est-ce d’abord que TFJ ? Allon affirme que la télévision qu’il a créée en 1997 est la seule "spécifiquement juive du monde". En fait, il en existe d’autres, dont une en Argentine et quelques autres aux Etats-Unis, mais cette inexactitude n’a qu’une importance relative. Diffusée par câble et satellite, TFJ avait démarré avec un capital insuffisant, et dès ses débuts, elle avait eu des difficultés à faire face à ses créances ; des documents en notre possession attestent par ailleurs que le commissaire aux comptes de la chaîne avait déjà refusé de certifier les comptes de l’année 1998. En août 1999 les choses s’embrouillent définitivement, lorsque TFJ, dirigée par Allon, décide de signer une convention avec la société de production audiovisuelle Charisma, dirigée par Michaëla Heine, qui n’est autre que sa compagne dans l’existence ; une convention dans laquelle Charisma s’engageait à fournir à TFJ du personnel et du matériel ainsi qu’à lui facturer ses prestations.
Par un jeu d’écritures, Charisma devient alors non seulement le principal créancier de TFJ mais également son principal actionnaire. En été 2002, la chaîne fait l’objet d’une enquête sur ses pratiques financières et comptables, la société et la chaîne étant dirigées par les mêmes personnes ; et Michaëla Heine a par ailleurs maille à partir avec le Centre national de la cinématographie (CNC), qui la somme de rembourser des subventions indûment obtenues.
Un rapport d’expertise daté du 31.10.2003 de M. Xavier Larère, maître de requêtes au conseil d’Etat et expert auprès de la Cour d’appel de Paris - dont M. Allon fort étrangement m’affirme ne pas avoir connaissance, allant jusqu’à en nier l’existence - rend compte de nombre d’anomalies et d’irrégularités et conclut que « La convention litigieuse apparaît donc comme un habillage par lequel M. Allon et Mme Heine, forts de leurs mandats sociaux, ont organisé de concert et en toute liberté les relations financières entre TFJ et Charisma, au mieux de leurs intérêts personnels et sans se soucier de ceux de TFJ. Cette impression est confortée par l’absence de transparence des factures et la modestie des moyens de Charisma ».
Une des actionnaires de TFJ de la première heure, Maître Elisabeth Belicha, se bat depuis bientôt 7 ans pour que la vérité éclate sur le mic-mac qu’elle dénonce entre Allon et son amie et qui nuit à la gestion de la chaîne juive. Cette actionnaire fondatrice, qui a été attaquée à deux reprises par M. Allon pour diffamation - et qui a gagné ses procès à chaque occasion -, m’a confirmé, en me présentant des preuves convaincantes, que, depuis des années, les pertes de TFJ s’accumulent, au même rythme que le patrimoine personnel de ses dirigeants augmente... cependant que ces derniers lancent régulièrement des campagnes d’appels de dons auprès de leurs téléspectateurs. Et de me préciser, « que c’est une affaire purement juridique et financière, qu’il n’y a aucun complot, et qu’il ne s’agit pas d’antisémitisme. Il ne faut surtout pas faire d’amalgame ».
Ce que l’on peut dire de notre couple de voltigeurs, sans risquer de se tromper, c’est qu’ils ne sont pas nets et qu’ils ont tenté là, de manière très aventureuse, de manœuvrer l’opinion de la communauté juive en agitant indûment le spectre de l’antisémitisme dans leur déconfiture financière. Il s’agit à n’en point douter d’un acte d’une grande insouciance, de nature à alimenter des doutes infondés dans les diverses affaires d’Etat que les medias sérieux, à l’instar de la Ména, s’emploient à dévoiler avec discipline et professionnalisme. Les accusations en l’air d’Allon peuvent à la fois décrédibiliser la communauté israélite dans sa quête de justice et d’équilibre médiatique et vulgariser le recours au terme « antisémite », au point - assurément inquiétant - de lui faire perdre beaucoup de sa consistance. Le moment est particulièrement malvenu.
D’autre part, il peut certes sembler intéressant pour la communauté israélite de France de disposer d’une télévision juive, mais pas n’importe laquelle ! La première des conditions, c’est qu’elle soit suffisamment capitalisée et soutenue par des actionnaires solvables ; on ne fait pas une télévision sans argent. Il faut aussi que ses dirigeants soient connus du public et qu’ils soient des professionnels de l’audiovisuel. Or, de l’avis de plusieurs professionnels du monde de l’audiovisuel, dont l’un des plus grands reporters de télévision français en activité que j’ai contacté, « le niveau technique et le contenu de la chaîne tendent vers le degré zéro ». Et un actionnaire de la chaîne de souligner : « TFJ n’est rien d’autre qu’une chaîne d’autopromotion et d’autosatisfaction à la gloire d’un individu (Ghislain Allon. Ndlr.) qui monopolise la parole à l’antenne. Sur le plan de l’information, il n’y a pas de rédaction, il n’y a pas de ligne éditoriale. ».
C’est un fait que la chaîne propose des émissions indigentes, de qualité médiocre, ainsi que de nombreuses rediffusions de films anciens, qui ne nécessitent pas de paiement de droits.
Ce constat est d’autant plus regrettable que les 800 000 Juifs de France sont surreprésentés par d’innombrables institutions, alors que sur les plans médiatique et culturel, les moyens que cette communauté s’est donnée sont ridiculement insuffisants pour faire entendre efficacement sa voix dans le paysage audiovisuel français. Bien que la communauté juive ne roule pas sur l’or, comme certains voudraient encore le laisser croire, elle possède toutefois largement les moyens d’informer ses concitoyens et de se tenir informée. Le fait que pratiquement aucun site de la communauté juive française ne soit géré par des professionnels de l’information se fait cruellement sentir. Pour se tenir bien informés, force est souvent aux Français de consulter, outre la Ména, d’autres sources israéliennes comme Guysen Israel News, en général, les diverses chaînes de télévision britanniques et américaines, ainsi que d’écouter Kol Israël en français.
Il convient dans cette histoire de liquidation de TFJ, comme dans toute autre affaire délicate, tout d’abord, et avant de se lancer dans quelque polémique que ce soit, de faire justement l’effort de s’informer correctement. Dans la période troublée que nous traversons, cet axiome est bien sûr valable pour les juifs de France, mais il est certes aussi applicable à toute personne responsable qui entend jouer son rôle de citoyen dans le système dans lequel il vit.
Notes :
[1] [lire l’intervention de M. Ghislain Allon sur TFJ, citée dans Libération, 26.04.2005]
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